Pirate malgré moi

Posons les bases, je suis un gros lecteur. Dans les périodes fastes, je suis capable de lire entre trois et quatre bouquins en une semaine, du simple fascicule au pavé de mille pages. L'espace disponible pour stocker tous ces livres n'étant pas extensible, je me suis fait offrir une liseuse électronique. Avec cet appareil, je cumule plusieurs avantages: stockage simplifié et qualité de lecture proche d'un vrai livre, sans parler du coût souvent réduit du livre électronique.

Et comme cette liseuse est compatible ePub, je pouvais me fournir dans la plupart des librairies sur internet. Je pouvais.

J'aime bien lire les dernières nouveautés SF en anglais. Mais, depuis fin novembre, je ne peux plus; en tout cas légalement.

Il faut dire, qu'en France, nous sommes un peu en retard sur le numérique. On a de bonnes initiatives comme la plate-forme unique de publication/distribution, mais les éditeurs ne sont pas, pour la grande majorité, encore passés par la case numérique en parallèle de la case papier. De plus, les éditeurs spécialisés en SF sont assez peu nombreux et n'ont pas un volume de publication très important.

C'est pourquoi je me suis tourné vers les librairies anglaises. Entre le choix important, le prix inférieur aux imports, la qualité des fichiers et le support de la plupart des liseuses, j'avais trouvé mon bonheur. Seulement, fin novembre, mes deux dealers préférés - n'ayons pas peur de le dire - m'ont envoyé un joli mail me prévenant de l'arrêt des ventes de livres électroniques hors du Royaume-Uni; cela pour des raisons de contrats avec les éditeurs.

Je me retrouve, et je ne suis pas le seul, dans la position où, chez le même libraire, je peux acheter la version papier sans aucun problème mais la version numérique m'est refusée car je ne réside pas en Angleterre. Techniquement, il me serait très facile de contourner ce refus. Un VPN, un proxy et une fausse adresse à Londres me suffiraient pour continuer à acheter, mais cela me gène.

Une rapide discussion avec Maître Eolas sur la libre circulation des biens en Europe me fait penser à une triste manoeuvre de la part des éditeurs pour se faire de l'argent. La différence de 50% en moyenne entre les prix des deux éditions est autant qui ne vient pas dans leur poche. De plus, avec la multiplication des appareils capable de lire des ePub, ce "manque à gagner" s'accroît.

Autant sur une traduction, je peux comprendre la mise en place de restrictions. Les coûts d'acquisition et de traduction étant souvent importants, les éditeurs peuvent chercher à rentabiliser leurs investissements. Mais quid des versions originales? Quel intérêt ont les éditeurs à restreindre la diffusion d'oeuvres alors que les lecteurs étrangers peuvent être des prescripteurs pour la vente de la traduction dans leur pays d'origine. Je n'aurai jamais conseillé certains livres dans leur version française si je ne les avais pas lu avant en anglais.

Un modèle s'esquisse qui ressemble très fortement à celui qui a été mis en place sur la musique et la vidéo. Comme elles, on me laisse acheter l'exemplaire physique au prix fort mais la version numérique m'est refusée.

Comme la musique et la vidéo, si je veux pouvoir lire sans contraintes, je dois pirater. Et, pour le moment, je me refuse à le faire.

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About Pierre-Yves Gillier

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